Se faire servir un café avec le sourire par un champion du monde, c’est chose possible à Romainmôtier. C’est au Prieuré que vous pourrez bénéficier de ce privilège puisque Damien Barreca vient de remporter le 26 février, en Savoie, un combat contre le champion du monde de boxe française. Il a ainsi pris sa couronne à un compatriote. Il faut savoir que la boxe française se joue des pieds et des poings et se différencie de la boxe anglaise qui ne se joue qu’avec les poings.
Pour mieux présenter ce jeune homme sympathique de 31 ans, il faut savoir qu’il est né de père italien, lui-même champion d’Italie de boxe anglaise. C’est ce père qui l’a initié dès huit ans au noble art. Au passage, on sent une très grande complicité entre les deux; le plus ancien est d’ailleurs le manager, trouvant et organisant les combats nécessaires. A quinze ans, il est champion de France et à vingt-six vice-champion d’Europe. Et à trente-et-un donc, il décroche le Graal avec son titre de champion du monde qu’il va tenter de défendre dans les trois ou quatre ans qu’il destine encore à sa passion.
Il faut savoir qu’il est professionnel, mais qu’un travail à côté est indispensable à son mental: la pratique de ce sport oblige à se distancer de son vécu et à un formatage psychologique pour affronter la dureté extrême des combats. La preuve en est sa dernière victoire acquise au premier round déjà: knockout après quelques secondes. Il faut aussi avouer que la notion de danger pour la santé est omniprésente dans ce sport; Damien n’a pas pu éviter deux commotions cérébrales. C’est aussi ce qui donne certainement le sel de ce sport.
Sa fonction au Prieuré est aussi un moyen d’assurer sa stabilité financière. Ses gains sont insuffisants pour assumer le quotidien et trois à quatre voyages en Thaïlande par an pour compléter son bagage sportif; la boxe dans ce pays est le sport national et il y rencontre des conditions d’entraînement optimales.
En parlant d’entraînement, il profite des pauses liées à son travail pour parfaire sa condition physique; il travaille son endurance en descendant chaque jour les gorges jusqu’à la Sarraz en trente minutes environ, mais il entraîne aussi sa résistance et son explosivité en multipliant les montées répétées de talus pour augmenter la production soudaine d’acide lactique, élément essentiel pour assurer une percussion maximale lors des combats. Et pour cela, notre région ne manque pas de pentes à monter à haute vitesse. Mais ce ne sont pas les talus qui l’ont attiré dans le vallon: c’est par son patron, M. Indermühle, qu’il a été engagé sur le site après avoir apprécié ses services lors d’un précédent emploi à Genève. C’est d’ailleurs là-bas qu’il habite et où il se rendait sitôt après notre entretien pour y pratiquer son entraînement quotidien.
Damien a insisté pour que soit évoquée la beauté de notre région qu’il trouve un peu déconnectée du monde, mais permettant une sorte de ressourcement très agréable. Il apprécie aussi les habitants qui lui témoignent une sympathie touchante. Jusqu’à quand fera-t-il rayonner sa cordialité dans la cour du Prieuré? En attendant, il continuera à côtoyer les chamois en descendant le long du Nozon.