Les sociétés ont longtemps été le principal lieu des rencontres récréatives, des échanges, autrement dit le ciment de la vie communautaire. Qu’en est-il aujourd’hui, à l’heure où l’individualisme est pointé comme un fléau de notre société ? Premier constat, la situation diffère entre villes et villages, une société peut survivre en ville en raison de l’importance du bassin d’habitation, il n’en va sans doute pas de même dans les petits villages. Les moyens et modes de contact se sont multipliés, la vie n’est plus centrée sur le local, la population est plus mobile, elle est plus attachée à ses envies individuelles qu’à la nécessité d’appartenir à une communauté comme c’était autrefois la raison d’être membre d’une société.
A Chavornay
Le nombre d’adhérents à la gym est en constante augmentation, essentiellement grâce aux gosses. Dès 10 ans, les intérêts évoluent, les enfants se tâtent et on constate un va-et-vient important. A partir de 13 – 14 ans commence l’exode et peu nombreux sont ceux qui rejoignent les sections d’adultes. Difficile aujourd’hui aussi de compter sur la solidarité des parents pour apporter une aide au moment des concours et manifestations. La fanfare a dû fusionner il y a quelques années avec celle de Bavois, les effectifs sont actuellement stables bien que vieillissants. La société a réactivé son école pour jeunes musiciens avec un bel intérêt de la part des familles et des enfants. Elle mise également sur un répertoire musical renouvelé. Objectif : retenir les nouveaux musiciens pour garnir les rangs de la fanfare à l’avenir. La situation est plus inquiétante du côté de la société de chant à l’effectif vieillissant et qui depuis plusieurs années n’a pas enregistré l’arrivée de nouveaux choristes. Là aussi il a été décidé de moderniser le répertoire, désormais on puise dans les classiques de la variété française.
Du nouveau
La société des petits animaux (poules, lapins, pigeons) a un effectif stable, il s’agit avant tout de passionnés et la passion semble se transmettre de père en fils, dès 8 ans déjà…. Le groupement de Chavornay se montre particulièrement actif puisqu’en décembre il mettra sur pied une exposition cantonale. Si certaines sociétés peinent, l’Union des Sociétés Locales voit heureusement grandir son effectif avec le groupe des Bouffons tandis qu’à Corcelles, on note l’arrivée d’un club d’escrime, d’un groupe d’animation villageoise, d’une nouvelle société de Jeunesse, et d’un club de danse country.
A Baulmes
Avec plus de vingt associations locales répertoriées, Baulmes doit être en tête du classement du nombre de sociétés par tête d’habitant. Si cette richesse culturelle est à relever, le revers de la médaille est plus que présent quand il faut trouver du monde pour assurer l’effectif ou compléter les comités assure Denis Dardenne, président du Chœur Mixte Rapilles Mélodies.
Pour ne pas laisser mourir la société, le comité cherche année après année à recruter de nouveaux membres, mais l’exercice est périlleux sinon impossible. L’effectif actuel est de 21 chanteurs. Il diminue tranquillement. La cote d’alerte de 15 unités est bientôt atteinte. La chorale est vieillissante, les jeunes ne se sentent plus attirés et n’ont pas envie du répertoire habituel composé de chansons traditionnelles voire même de chansons récentes. Ils veulent autre chose et ne sont pas prêts à se soumettre à une discipline imposée de fait. Le recrutement par voie d’annonce est voué à l’échec. Le chœur d’enfants aurait pu être une réserve, mais il a cessé son activité depuis peu; organiser des rencontres ou inviter ces jeunes à une soirée n’est jamais couronné de succès. Denis Dardenne termine en soupirant : il faut être vraiment mordu et plein d’enthousiasme pour continuer, mais tant qu’il y a de la vie…!
A Orbe, les sportives inquiètent
Orbe
C’est d’une manière étonnante une société qui semblait en plein essor, qui enregistre la plus grande perte de membres (20 sur 120). Le président du Badminton Club, Christian Michoud, concède que c’est au niveau de la relève (7-11 ans) et des membres dans la force de l’âge (25 à 40 ans) que la diminution d’effectif se fait sentir. A dire vrai, c’est le manque de compétiteurs qui est sensible dans la mesure où l’on préfère jouer pour le plaisir plutôt que de s’astreindre à des entraînements. Si bien qu’il a fallu retirer une équipe de 5ème ligue qui permettait l’intégration progressive des jeunes. A Orbe-Ancienne, la vacance présidentielle a duré pendant presque deux ans. Par bonheur, Chloé Michoud a repris le flambeau de Lucie Lobsiger. « Il est toujours difficile de trouver des moniteurs, nous dit la nouvelle présidente. Pour intéresser et soulager nos volontaires, chaque groupe de gymnastes est coaché par deux personnes, comme cela la tâche est partagée et moins lourde. Mais Il manque toujours un entraîneur pour l’athlétisme dans cette société qui se porte bien». Au FC Orbe, la présidente Mary-Claude Chevalier cherche en vain un successeur depuis qu’elle est devenue municipale.
Fusions nécessaires
Inutile de dire que la chorale d’Orbe a passé par quelques tribulations au cours de la dernière décennie. Devant la diminution de l’effectif, elle a fusionné avec Montcherand dans un premier temps. Récemment, elle a lié son sort au chœur d’Arnex pour maintenir un effectif convenable (37 chanteurs). «Mais cette fusion a donné l’occasion à certains anciens de quitter la société et j’ai entendu quelques-uns d’entre eux me dire que se rendre à gauche ou droite pour les répétitions les préoccupaient, car ils avaient désormais peur de rouler la nuit», nous dit le président Yves Jordan qui se demande s’il ne devra pas envisager de faire passer le comité de 7 à 5 membres, après le giron qui se déroulera à Orbe, ce printemps. Il en est allé de même pour le groupe folklorique «La Bergère» qui a lié son sort au chœur mixte «L’Echo du Suchet» de Rances pour éviter sa disparition. Dans un autre domaine, la Ludothèque est à la recherche d’une présidente depuis quelques années, sans succès.
A Vallorbe
La situation est moins inquiétante que dans les autres grandes communes de notre région. Avec un particularisme toutefois, puisque le comité qui organisait tous les deux ans une épreuve qualificative à la marche sur 24 heures en vue du fameux Paris-Colmar, ne récolte plus assez d’inscriptions. En précisant que les athlètes n’étaient en général pas des Vallorbiers mais des marcheurs de plusieurs nations, y compris la Suisse. De quoi s’inquiéter pour le futur de cette compétition. Pour favoriser l’organisation de manifestations, la Municipalité a décidé d’abaisser le coût de location de la halle des fêtes de Fr. 1 500.– à Fr. 500.–pour les sociétés du lieu. A titre de réconfort, la fête du 100e anniversaire du tunnel ferroviaire a permis à une dizaine de sociétés de se donner la main pour la réussite de l’événement, c’est dire que l’entente est bonne, selon le président de l’UCV, M. Rindlisbacher, qui ajoute tout de même que le renouvellement des comités est de plus en plus délicat, notamment au niveau des présidents.
En définitive
Si nous n’avons pas pu faire le point dans les 26 communes de notre champ d’activité, par manque de temps, il faut bien avouer que les sociétés traditionnelles de musique traversent des années difficiles. Si les fanfares font des efforts pour recruter des jeunes pour lesquels l’apprentissage d’un instrument servira peut-être plus tard, les chœurs devront probablement revoir bien plus que leurs répertoires pour se renouveler. Il en va de même pour les comités dans la mesure où peu de personnes acceptent de prendre des responsabilités et c’est bien dommage. Il est sûr cependant que nos populations ne comptent plus sur les sociétés pour s’intégrer, sauf dans les villages plus petits. N’allez pas croire toutefois que le phénomène est régional, mais il est observé malheureusement partout, en Suisse comme ailleurs.
Article rédigé en commun avec Jacques Ravussin et Pierre Mercier