À 23 ans, Sharma Bird s’embarque pour la troisième fois dans la grande aventure des championnats mondiaux de hip-hop, ce week-end à Ljubljana. Interview d’une Sarrazine d’adoption.
Originaire d’Orny, Sharma Bird habite aujourd’hui à La Sarraz. La jeune femme pratique depuis des années la danse à l’académie Lucky Dance à Lausanne, dans deux groupes différents, tous deux champions suisses ces trois dernières années.

L’Omnibus: Sharma, d’où vient votre nom ?
Sharma Bird: C’est mon vrai nom ! On me pose très souvent la question, pourtant il n’y a rien de fou derrière son histoire. De base, Sharma est un prénom indien. Mes parents l’ont entendu une fois, lors d’un mariage, il y a longtemps. Ils l’ont gardé de côté en attendant d’avoir une fille ! Et pour mon nom de famille, mon papa est anglais, son nom est vraiment Bird.
Quand la danse est-elle entrée dans votre vie ?
J’ai commencé à l’âge de 6 ans, dans une petite école à La Sarraz. À 15 ans, je suis partie poursuivre mes études à Lausanne et j’avais le sentiment que j’étais arrivée au niveau maximum dans cette école. Une amie du gymnase, qui venait de La Sarraz, m’a proposé de venir faire un essai dans l’école de danse qu’elle fréquentait à Lausanne. C’était l’académie Lucky Dance – une école familiale installée à Lausanne depuis 1988 et qui évolue dans le hip-hop et les danses latines. J’y suis allée en étant un peu dans le flou, parce que je n’avais jamais pensé à faire de la compétition. Mais je voulais vraiment continuer la danse, et l’école dont mon amie me parlait était à côté de mon gymnase, à Provence. En plus, grâce à elle, j’y connaissais quelqu’un, ça me faisait un repère. Alors j’y suis allée. C’était en 2019, et depuis je n’ai pas arrêté.
Et aujourd’hui, avec qui dansez-vous ?
En hip-hop, dans les compétitions auxquelles on participe, il y a deux catégories: formations, des compositions qui vont de 8 à 24 personnes, et groupes, où on peut être entre 3 et 7 personnes. Je danse donc dans deux crews différents.
Notre formation s’appelle L J 3.0, et jusqu’à maintenant on était 18 personnes à y danser. L J, c’est l’abbréviation de Lucky Jeans, ça vient de notre directeur Jean-Luc Budry. C’est un nom très significatif, qui porte toute une histoire. C’est donc un titre honorifique, qu’on a obtenu il y a 3 ans – la première année où on a remporté le titre de champions suisses. Et dans l’autre catégorie, je danse dans un crew qui s’appelle Sleek, avec 6 autres personnes.
Ces deux groupes dans lesquels je danse ont été sacrés trois années de suite champions suisses et se rendent aux championnats du monde, qui auront lieu du 25 au 28 octobre à Ljubljana. Si l’on remportait encore les championnats suisses l’année prochaine, on battrait le record de victoires de notre coach Laura Budry, et ce serait par la même occasion une première en Suisse !

Comment se déroulent les entraînements ?
On a repris la nouvelle saison depuis le 1er septembre: actuellement on mêle nouvelle saison et championnats du monde. Ça représente quatre entraînements chaque semaine, de 2 h – 2 h 30 par soir. Après, on travaille encore chacun de notre côté, pour maintenir le rythme, entraîner le cardio – il n’y a pas le choix, parce que ça va être dur et intense, pendant quatre jours en Slovénie… On a donc une petite vie sociale, et mal au corps, mais ça va, ça en vaut la peine ! L’expérience, chaque année, est trop bien.
Les championnats mondiaux, organisés par l’IDO (ndlr International Dance Organization), restent globalement une compétition très européenne. Mais les remporter, c’est un gros truc. Là, avec L J 3.0, on aimerait en tout cas arriver en finale, pour faire mieux que l’année passée. Avec Sleek, atteindre le top 6 serait le rêve ultime. Sauf qu’il y a cette année 60 groupes en compétition, contre 40 l’année passée…
Quelle place la danse occupe-t-elle dans votre vie ?
En terme du temps qu’elle occupe, je dirais que ma vie c’est un peu métro-boulot-danse-dodo (rires). Dans ma vie professionnelle, je suis polydesigner 3D, donc décoratrice, en événementiel. À part pour le boulot, la danse a la priorité sur tout le reste. Si tu rates des entraînements, tu n’arrives pas à garder le niveau. En plus, ce sont des groupes : il faut s’investir pour les autres aussi. Les objectifs sont différents, on donne tout. Et à mon niveau personnel, c’est mon petit échappatoire aussi.
Est-ce que c’est envisageable d’en faire une profession ?
Pour devenir professionnel, tu deviens en gros soit chorégraphe soit professeur de danse. Mais dans le monde du spectacle, franchement, c’est compliqué de vivre de la danse hip-hop. Avec Sleek, on a déjà tourné dans des clips et on danse lors de concerts aussi, pour Dibby, un rappeur genevois. Là on est en tournée avec lui, on l’a suivi sur quelques dates lorsque les festivals voulaient bien de nous. On l’a fait aussi avec la chanteuse Jenny & Me. C’est cool, ce sont des petits revenus, mais ça nous aide grandement, par exemple pour les championnats du monde puisqu’on paie nos inscriptions avec ça. Mais pour en vivre en Suisse, c’est impossible.
Vous présentez-vous comme athlète ou comme artiste ?
Les deux. ça dépend des projets qu’on fait. Pour le hip-hop je pense qu’on est plus sportifs. Mais ce qu’on propose visuellement, c’est aussi artistique. Certains projets comme les concerts, ou encore le spectacle pluridisciplinaire Au-delà des mots, de Moira Rosato, peuvent être purement artistiques – même si ça reste cardio.
Imaginez-vous une vie sans danse ?
Non. Pas du tout. Même en dehors des cours. Je suis quelqu’un qui sort pas mal ; parfois on va en boîte juste pour aller danser. Souvent, on n’est pas ceux qui dansent le mieux, paradoxalement ! Mais on est moins gêné que les autres de danser mal. Et puis on ne s’arrête jamais. Du coup on paraît bizarre (rires).
Pour découvrir l’interview de Sharma et de son co-équipier Noah en images, rendez-vous sur le compte Instagram de L’Omnibus, ou sur @chek.media sur Instagram et TikTok.






