Les uns étaient déjà pleins d’espoir, les autres avaient le moral en berne. Le bonheur vient de changer de camp: l’hiver, son cortège de flocons, de routes impraticables, de belles pistes blanches et de retards ferroviaires, a finalement débarqué dans nos contrées.
Et il pourrait bien y poser ses valises quelque temps, au grand dam des jonquilles du Mormont, qui se croyaient déjà (presque) au bout des froidures…
Voilà qui ne risque pas de mettre d’accord ceux qui s’inquiètent du réchauffement climatique et ceux qui le mettent en doute: soufflant tour à tour le chaud et le froid, l’hiver 2022/2023 ne sera en tout cas pas un hiver normal. Mais au fond, un hiver sinon idéal, du moins typique, existe-t-il vraiment? Et si l’on faisait un petit tour dans les archives de MétéoSuisse, pour voir?
Ensoleillement, précipitations, températures: pour de nombreuses données, notre service météo national propose des cartes annuelles ou mensuelles qui permettent de reculer pas à pas jusqu’à cinquante, voire soixante ans en arrière. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que le mois de janvier en Suisse, et en particulier dans notre région, a toujours offert des visages très changeants.
Côté températures, tout d’abord. Le premier mois de l’année, c’est vrai, tend nettement, au fil des années, à se faire plutôt plus chaud que plus froid que la moyenne. Avec une mention particulière pour janvier 2018, particulièrement doux dans notre contrée, avec 5 degrés de plus que la moyenne des années 1961-1990! Mais nos régions avaient déjà connu presque pareil en 1988; et si l’on grelotta souvent dans les années 60 et 70 (en particulier en 63, 64, 66, 68, 71 et 79), plus près de nous les mois de janvier 2006, 2009, 2010 et 2017 ne furent pas particulièrement amènes non plus.
En ce qui concerne les précipitations, on peut déjà prédire que la cuvée 2023 restera dans les annales comme l’une des plus pluvieuses – ou neigeuses, pour ces prochains jours – qu’on ait connu. Un sacré contraste avec l’édition précédente, où janvier avait déjà donné le ton d’une année particulièrement sèche. Mais en remontant le temps de dix ans en dix ans, on constate un manque d’eau aussi bien en 2013, 2003, 1993, 1983, 1973 et 1963! A l’inverse, le début des années 1995, 2004, 2016 ou encore 2018 avait été particulièrement pisseux.
Et la durée d’ensoleillement? Assez logiquement, elle est en grande partie inversement proportionnelle à la pluviosité. Dans les Alpes, ou même à la Vallée, c’est aussi le cas en hiver. Mais pas chez nous, où cette donnée est encore plus variable que la température ou la quantité de précipitations! Car au pied du Jura comme sur le reste du Plateau, un autre facteur entre en jeu à la mauvaise saison: le brouillard. Un mois de janvier sec n’y est donc pas forcément synonyme d’un mois de janvier ensoleillé. Ainsi, il y a cinquante ans, janvier 1973 fut sec mais passablement gris; à l’inverse, en 1983 comme en 1993, le premier mois de l’année fut plus ensoleillé que la moyenne; la future année record 2003, elle, commença sous un soleil pâlot, alors que janvier 2013 fut plutôt plus généreux que la norme. Pour précieuses qu’elles soient, les données collectées par MétéoSuisse ne remontent qu’à quelques décennies. Pour les temps plus anciens, on ne dispose que d’informations partielles, de plus en plus ponctuelles au fur et à mesure que l’on remonte le temps. Et, bien sûr, elles sont plus ou moins biaisées: ce sont les événements exceptionnels dont on a tendance à prendre note. Certains n’en restent pas moins extraordinaires. Ainsi, il y a presque 500 ans, la Suisse connut déjà des hivers très chauds. Des chroniqueurs notèrent par exemple que fin janvier 1530, les arbres fruitiers et les fleurs printanières déployaient leurs couleurs dans les jardins. Rebelote en 1538: les fraises mûrirent en février. Deux ans plus tard, il fit si doux dès février qu’on récolta des cerises en mars; 1540 fut d’ailleurs marqué par une canicule record, et les fortes chaleurs durèrent jusqu’en décembre. Nos ancêtres prirent encore note d’hivers particulièrement cléments au début du XVIIe, au milieu et à la fin du XVIIIe, à la fin du XIXe… La cuvée 2022-2023 ne sera finalement qu’un hiver plutôt normal.