Première bande dessinée d’un jeune Urbigène, Maxime Schertenleib, le monde des vestiaires et des terrains de football se dévoile sous une plume acérée qui ne botte pas en touche les travers de ce sport.
Maxime Schertenleib dédicace actuellement son premier roman graphique dans des librairies vaudoises. Maxime a pratiqué à un haut niveau, a aimé et quelque part aime encore le football auquel il a pourtant renoncé. Si vous pensez que les comportements toxiques, dérives masculinistes, parfois franchement homophobes, les bizutages et autres injonctions guerrières en forme de culte de la performance que l’on peut rencontrer dans ce sport – comme dans d’autres d’ailleurs –font inexorablement partie du décor, ne vous précipitez pas à la librairie. Si, comme Maxime, vous estimez que la pratique du foot gagnerait à se distancer de ces quelques travers, eh bien découvrez son travail!
Un Urbigène
Né en 1997, l’auteur a réalisé son parcours scolaire à Orbe, puis Yverdon. Diplômé de la HEAD (Haute Ecole d’Art et de Design) de Genève, il vient de compléter sa formation par un master en création et diffusion de BD à Bruxelles. Tombé héréditairement dans la marmite du foot, Maxime a réalisé en parallèle une jolie carrière, passant par le team Vaud des M16, pour avoir ensuite joué en première équipe à Yverdon Sport entre 2016 et 2018. Notre auteur, qui habite maintenant Mathod, est actif comme illustrateur et graphiste indépendant. Vous découvrez ponctuellement ses dessins de presse dans L’Omnibus. Il travaille actuellement à la réalisation d’une BD historique sur Germaine de Staël.
Vert
Le traitement graphique des 117 pages s’appuie sur un dessin rapide, léger et énergique dans le trait, au service de la thématique. Pas d’étape crayonnée, le travail se réalise directement à l’encre. La bichromie nous renverrait à l’écusson vaudois, mais prioritairement le vert omniprésent constitue, nous explique Maxime, un clin d’œil appuyé aux nombreuses pelouses qu’il a foulées et aux couleurs d’Yverdon Sport ! Pari visuel gagné par cette adjonction de fraîcheur sans verdeur. Quelques planches en forme de chemins forestiers séquencent la narration, lieux de passage obligés pour se rendre au terrain et potentielle source d’inquiétude…
Les vrais mecs
Nous y sommes: si ce récit n’est pas un réquisitoire ou un règlement de compte, l’auteur, qui se met en scène, a voulu traiter en mode résilience ces «à côtés» du foot qui n’est pas que beauté du geste technique et franche camaraderie. Maxime nous rappelle que cet univers peut être dur, toxique, machiste, homophobe…
C’est l’itinéraire vécu par son double dans le roman, une extinction progressive de la passion cassée par un esprit de compétition qui induit des comportements qui n’ont plus grand-chose à voir avec le sport: «Le foot tel qu’on me le faisait vivre ici m’était étranger», «Où était la joie?» «(…) Je ne parlais pas la même langue que les gens autour de moi: gagner, écraser, sans pitié…», «Alors je me suis tu.» (extraits page 50).
Du ballon à la plume
Et Maxime d’analyser ce qui lui arrivait: «Je n’osais pas parler de mes difficultés à mes copains de foot; la première fois, c’est quand j’ai rejoint un milieu artistique.» A la lecture de ce récit de vie illustré, on sortira convaincu que la BD n’est résolument pas un art mineur, qu’elle permet d’aborder efficacement des sujets de société importants, engageant leur auteur dans un sincère et courageux exercice de lucidité. Pari réussi pour cette analyse illustrée, tout en pédagogie et en finesse.
Arrêt de jeu, journal d’un footballeur mal dans ses pompes, aux éditions la Boîte à Bulles. Disponible en librairie.