HISTOIRE : André Blum, un parcours hors du commun

SOUVENIRS – Bruit saccadé du passage des trains, envoi de colis pour sa grand-mère retenue dans un camp, propos antisémites, la Shoah a marqué définitivement la mémoire du Romainmonastérien André Blum. Portrait d’un homme marqué à vie.

Quand on entre chez André, l’art et l’histoire teintent les lieux dès l’arrivée. Une belle porte et un frappoir d’époque invitent à la visite dans une PPE historique au charme désuet, au cœur de Romainmôtier. L’accueil est jovial et ponctué par un test Covid rapide. C’est la condition à remplir pour accéder à son salon. L’opération terminée et le résultat négatif prononcé, la conversation peut commencer. Tout autour, des statues dogons, des plantes opulentes et autres oeuvres d’art anciennes et contemporaines dont plusieurs de son épouse Anne qui est artiste et restauratrice d’art. Parmi ces oeuvres, une sculpture de sa grand-tante borde la cheminée. La bibliothèque sur deux étages ajoute un élément nous baignant dans la culture.

Dès son arrivée aux USA, le gouvernement américain voulut le forcer à rejoindre l’armée au Vietnam, bien qu’il soit capitaine de l’armée suisse.

Une peur qui laisse son empreinte

André est né en 1934, à Zurich. Le souvenir qu’il garde de sa petite enfance est le bruit saccadé du passage des trains toutes les dix minutes dans le tunnel sous sa maison. Ces passages ont une signification funeste, car à l’époque il est déjà au courant du massacre des Juifs par les Allemands et du rôle des trains dans cette tragédie. Sa grand-mère, juive également, survivra au camp de Theresienstadt grâce aux paquets de vivres que la mère d’André Blum lui envoyait chaque semaine. En 1945, les nazis vendirent un train plein de Juifs à la Suisse et c’est ainsi que la grand-mère d’André fut sauvée. La peur, toujours présente à l’époque, a laissé une empreinte indélébile dans la mémoire d’André. Dans ce contexte, il évoque le courage de Milo Candaux, habitant de Premier, pour son rôle de passeur de Juifs à travers la frontière, mais aussi les propos antisémites qu’il reçut d’un ancien habitant de Romainmôtier.

André travailla ensuite comme professeur de médecine de 1966 à 1971 aux États-Unis. Parallèlement, il se forma en biostatistique. Tout d’abord, il voulait y rester, mais l’épisode suivant le décida à rentrer en Suisse. En effet, dès son arrivée aux USA, le gouvernement américain voulut le forcer à rejoindre l’armée au Vietnam, bien qu’il fût capitaine de l’armée suisse. Il fit tout pour combattre cette obligation et profita même du soutien de Robert Kennedy dans ses démarches. Après quatre ans de lutte, il rassembla ses économies pour payer un avocat qui soudoya le magistrat responsable de la conscription.

Ainsi, notre homme eut gain de cause tout en ressentant une grande déception envers les institutions américaines. C’est pourquoi il rentra au pays. En 1986, il occupa un poste de professeur ordinaire au CHUV, puis s’installa à Romainmôtier en 1989. Son domaine, la gastroentérologie, est une médecine qui traite le tube digestif dans son ensemble. Il publiera un nombre impressionnant de publications et de livres scientifiques au cours de sa carrière.

A la retraite depuis l’an 2000, il donne encore, à 86 ans, des consultations dans un cabinet de Bienne. André garde une énergie et un intérêt très vifs pour tout ce qui l’entoure au niveau médical, et surtout ce qui concerne la lutte contre l’acharnement thérapeutique chez les patients en fin de vie. La crise du Covid met d’ailleurs en relief cette problématique d’une manière extrêmement concrète. Il a notamment été inculpé de complicité d’homicide en 1975 pour avoir adopté, sur ordre de son supérieur (affaire Hämmerli), une attitude de non-acharnement pour un cas désespéré. L’avenir lui donnera raison avec une décision dans ce sens par le Conseil de l’Europe, l’année suivante.

Chapeau Monsieur

Très sensible à la nature, André Blum est également responsable de l’entretien du jardin historique attenant à la maison du Pont Couvert, véritable oasis de paix où il peut agir pour la préservation de la faune et de la végétation. Il a aussi écrit deux romans et propose parfois des publications dans le journal de l’AVIVO. Pour conclure, il se réclame athée. Mais ce ne sera pas la dernière impression qu’on gardera de lui. La richesse de son parcours ne peut qu’imposer le respect, l’estime et la considération.

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