Cher Omnibus,
J’ai eu la chance de pouvoir faire une escapade de presque un mois à travers deux Etats fédéraux du centre et du sud-ouest de l’Allemagne : la Hesse et le Bade-Wurtemberg.
Mon premier lieu de séjour était Bad Camberg, une charmante petite ville allemande avec un centre-ville typique en maisons à colombages, à moins de cinquante kilomètres de Francfort-sur-le-Main. Une société historique, composée de plusieurs dizaines de bénévoles est très active dans la ville. Lors de mon passage, j’ai assisté à un événement célébrant les dix ans de la restauration, par cette société historique, de l’ancienne école juive de la ville.
Culture du souvenir…
Il y a dix ans, plusieurs milliers d’heures de travail bénévole avaient permis de restaurer et rénover l’ancienne école juive, datant du 18e siècle, qui était en ruine. Le bâtiment a été transformé en lieu de documentation attestant de la présence de familles juives dans la ville avant la Seconde Guerre mondiale. Alors qu’en 1933 il y avait à Bad Camberg 63 habitants de confession juive, les déportations, exils forcés et autres crimes perpétrés par le nazisme avaient abouti à ce que la ville n’en compte plus une seule en 1945.
Ces dix dernières années, les membres de la société historique ont également fait un travail d’archives qui a débouché sur une brochure retraçant les destins individuels de 32 de ces personnes victimes du nazisme. Il était impressionnant de voir les habitantes et habitants de cette petite ville allemande s’investir activement, durant leur temps libre, pour développer la culture du souvenir, cette posture qui appelle à garder en mémoire l’histoire des victimes du national-socialisme : résistants, opposants politiques, juifs, tziganes, malades mentaux, handicapés, homosexuels…
Enfin, la société historique de Bad Camberg a réussi à retrouver à travers le monde bon nombre de descendants de personnes ayant fui la ville à l’époque nazie. Ces descendants ont été contactés, d’une part pour les informer en détail sur l’histoire de leur famille, d’autre part dans le but de créer des liens d’amitié entre eux et les habitants actuels de Bad Camberg – une initiative remarquable pour approfondir la paix.
… et craintes actuelles
Certains de ces descendants étaient présents lors de l’événement, venus spécialement pour l’occasion de Belgique, des Pays-Bas, du Proche-Orient ou d’Amérique du Nord. Après une visite de la ville a eu lieu une cérémonie ponctuée de plusieurs discours. Le maire, Daniel Rühl, a déclaré : «Nous sommes aujourd’hui confrontés à deux évolutions que personne n’aurait cru possibles il y a dix ans. L’une est la montée en puissance d’un parti politique d’extrême droite dans nos parlements, l’autre est la montée de l’antisémitisme dans certaines parties de notre société, qui s’affiche sans vergogne et de manière provocante dans les rues et sur internet, et qui s’insinue même dans l’art et la culture.» Pour la première évolution, il faisait référence au parti Alternative für Deutschland (AfD), devenu aux élections fédérales de février dernier le deuxième plus grand parti au parlement avec 20% des voix – alors qu’aux élections de 2021 il était seulement le cinquième parti, avec 10% des voix.
Bye bye voitures
Je dis au revoir à Bad Camberg, et après une halte à Francfort me retrouve à Fribourg-en-Brisgau. Cette ville de la taille de Lausanne, située dans le coin sud-ouest de l’Allemagne, est réputée pour ses développements écologiques. Sur la place centrale, un marché est organisé quotidiennement. Tout le centre-ville est piéton. D’une rue piétonne, on débouche dans une autre, puis encore dans une autre… Une si longue absence de voitures lors d’une balade citadine est frappante ; on voit en revanche beaucoup de vélos et de trams.

Je prends ensuite le train à travers la Forêt-Noire. Par les fenêtres, on voit quelques éoliennes et beaucoup de panneaux solaires sur les toits des fermes et villages du Bade-Wurtemberg.
Terreau multiculturel
A Dürnau, petit village sis à une cinquantaine de kilomètres au nord du lac de Constance, je travaille comme volontaire dans une coopérative agricole qui produit légumes, fruits et produits laitiers de façon biologique. Un endroit que j’ai pu trouver grâce au site internet www.workaway.info : cette plateforme en ligne répertorie des lieux d’accueil proposant l’hébergement gratuit à des voyageurs en échange de quelques heures de travail bénévole quotidien. L’Union européenne soutient financièrement certains de ces lieux d’accueil afin de favoriser les rencontres interculturelles.

Nous étions une petite équipe de volontaires hébergés par la coopérative dans sa maison des invités. Ces autres voyageuses et voyageurs provenaient de diverses régions de la planète: centre du Mexique, Turquie, Sicile, Lombardie, centre de l’Allemagne, sud-ouest de la Chine, petits cantons germanophones de l’extrême est de la Belgique… Ensemble, nous avons planté des patates douces, du gingembre et du basilic, construit des structures de tuteurs pour tomates, récolté le foin… et joué au cartes et au billard, mangé et ri.






