Ailleurs : Une lettre du Nord-Est des états-Unis

Lecture ~5 minutes
Ailleurs : Une lettre du Nord-Est des états-Unis

Cher Omnibus,

Les louanges jadis chantées de ce pays essentiellement constitué d’étrangers, bâti sur les idéaux d’égalité, de liberté et d’une incontestable créativité, font aujourd’hui pleurer l’enfant naïf face à toutes les injustices dévoilées. Quand la terreur prend le pas sur la foi, rester n’est pas toujours un choix. 

Ode à la consommation

C’est sur une large route que l’autocar sort de la ville de Boston. A droite comme à gauche, les panneaux publicitaires défilent et conditionnent la vie urbaine. Achetez! Vendez ! Mangez! clament de toutes leurs couleurs les flashes d’informations, parfois accompagnés par le portrait d’un homme blanc, dans la cinquantaine, pourvu d’un sourire brillant – une tentative pour inspirer confiance au consommateur fatigué, coincé dans les bouchons à la sortie du travail. Hélas, ce sont bien des États-Unis d’Amérique que nous parlons, gigantesque pays d’exubérance, des droits de l’homme, de violence, d’essor scientifique, mais surtout de capitalisme. En effet, là où tout peut être acheté, vendu et consommé, même le téléjournal tente d’arracher l’attention toujours plus limitée du téléspectateur, en lui proposant par exemple des astuces pour les réductions d’été, de quoi en faire l’affaire-choc de l’année… Et si les grands espaces verts et les merveilleuses montagnes de la côte Est sont toujours plus assaillis par les touristes lors de la saison estivale, les populations urbaines, elles, peuvent toujours faire un tour au supermarché pour se divertir, ou pourquoi pas manger un autre «petit» fast-food, restauration rapide qui porte très bien son nom…

 Saranac Lake – là où les devantures comptent presque autant que les voiture.

Panache et beauté

Au Nord-Est du pays, les routes semblent encerclées par des kilomètres de forêts; et quand soudain l’horizon se dégage, ce n’est que pour laisser place à un fleuve ou à un lac, que l’on traverse sur un pont, à chaque fois ébahi par la beauté de ces lieux. Mais gare aux ours noirs, qui flairent votre pique-nique à des kilomètres de distance! Et gardez l’œil ouvert, il y a de fortes chances qu’une biche croise votre chemin avant que votre attention ne se porte sur un énième chipmunk (tamia, sorte de petit écureuil rayé, nommé… suisse au Canada, ndlr) qui saute de là en là. 

Même la forêt est «innervée» par ces routes à six allées.

Les parcs nationaux foisonnent; et s’ils demandent parfois un droit de passage, ce n’est qu’afin que l’homme occidental puisse protéger ces endroits contre sa propre personne. S’en est allé le temps où les tribus amérindiennes pouvaient vivre de chasse et de cueillette, et où leurs conteurs brodaient des mythes sur les tissus afin de les garder en mémoire… C’est avec leurs légendes et artefacts, mais aussi une Constitution bien à eux, que le centre culturel des Six nations iroquoises, proche du village moderne de Saranac Lake, expose leurs écrits concernant la venue de l’homme blanc dans ces terres – et nous rappelle tristement que l’on a jamais tout à fait mis fin à la colonisation de l’Amérique. 

Sous bonne garde

Retour à la ville et au climat consumériste chanté en permanence par les médias. Ici se tiennent des humains virés, déportés, et pour la plupart des immigrés, légaux ou non, tout simplement terrifiés. Si la politique du président Donald Trump fait trembler les économies du monde entier, le coup de grâce de ses tarifs est surtout payé par les habitants de son propre pays. Après qu’il leur a promis une sortie grandiose de l’inflation, les prix des supermarchés grimpent pourtant en flèche chaque semaine, et entraînent avec eux une confusion notable chez ceux qui boivent les paroles de leur multi-millionnaire préféré. On ne saurait en revanche trop remercier ce dernier pour avoir déployé la garde nationale dans le quartier touristique de la capitale, Washington D.C. En effet, même si les zones touchées par le crime se trouvent loin de là, quel touriste ne rêverait pas de prendre en photo ces jeunes hommes et jeunes femmes, initialement entraînés afin de porter secours en cas de catastrophe naturelle, portant des armes à feu digne de soldats déployés en Irak? 

Garde nationale patrouillant devant les musées, sur Independence Avenue. (Photos Arielle et Elodie Kleiner)

Rouge ou bleu ?

Ailleurs le ICE, le service de contrôle de l’immigration et des douanes, patrouille pour de vrai et chaque jour, au beau milieu de la rue et jusque dans les écoles, s’empare de la vie d’humains, et ce parfois sans aucun mandat d’arrêt ou présentation de leur badge… Ici, chaque rencontre prend une teinte particulière, rouge ou bleue, et se retrouve immédiatement sous la coupe de ces couleurs qui divisent – il faut savoir à qui l’on peut parler. Dans l’état du Vermont, une jeune femme nous explique de façon anecdotique que cet été a atteint des températures record; «enfin, se rattrape-t-elle, techniquement mon gouvernement ne reconnaît pas le changement climatique… donc à quoi bon parler de réchauffement?». On rigole à son commentaire, et elle ajoute alors, se sachant désormais en terrain sûr, que cet état votant à gauche en vient parfois à rêver d’être annexé par le Canada. Ensemble, on soupire et souhaite un avenir lointain où la tempérance ferait foi dans ces terres d’extrêmes, où même les plus fervents chrétiens semblent avoir perdu l’amour de l’autre. 

Continuer ma lecture

Lieux et acteurs de culture

Bibliorbe
Théâtre de la Tournelle
Semi-marathon des Côtes de l’Orbe
Urba Kids
L’ADNV
L’Office du Tourisme Yverdon et région
Toute la culture régionale