Cher Omnibus,
Aujourd’hui j’aimerais te partager mes premières impressions de Hong Kong, et plus particulièrement te parler de l’architecture de la ville.
Hong Kong est une ville dont la densité est impressionnante ; les rues sont pleines de commerçants, passants, touristes, partageant tous un espace limité. Malgré mes expériences dans d’autres mégapoles asiatiques, cet espace foisonnant et cette architecture urbaine compacte suscitent en moi une impression inédite.
Deux facteurs combinés peuvent expliquer ce décor si caractéristique: une densité de population parmi les plus élevées au monde, couplée à un territoire largement inexploitable. En effet, avec ses paysages montagneux, la métropole n’est constituée que de 30 pourcents d’espace constructible ! Cela conduit à de nombreux phénomènes que j’ai pu observer et dont j’aimerais te faire part.

Crise immobilière
A cause de ce manque d’espace habitable, Hong Kong fait depuis plusieurs années face à une crise immobilière. Cette année encore, la ville est en tête du classement mondial pour les logements les plus chers. Il est ainsi très compliqué, même pour le Hongkongais lambda, de trouver un lieu de résidence. Le gouvernement essaie de remédier au problème en proposant des logements subventionnés – dont presque la moitié de la population bénéficie – et qui permettent aux résidents de payer un loyer plus raisonnable. Le marché est toutefois tellement saturé que beaucoup se retrouvent sur la liste d’attente pendant des années, sans avoir la certitude d’accéder à ces prix avantageux. Résultat: beaucoup partagent un toit avec leurs parents – ou plus largement avec leur famille – et cela dans des espaces relativement restreints.

«La ville verticale»
Puisque les terrains de Hong Kong sont si rares et chers, la ville connaît un phénomène d’expansion verticale, avec des buildings d’une hauteur inimaginable. Il m’est arrivé de parler à des locaux qui habitent au 80e étage d’un immeuble, et certains bars et restaurants se perchent au-dessus du 100e étage. D’ailleurs, Hong Kong est la ville avec le plus de personnes habitant au-delà du 13e étage au monde ! Je ne pense pas pouvoir me lasser de ces gratte-ciels qui s’élèvent à perte de vue, ni des panoramas dont on se délecte depuis les hauteurs de la ville.
Une des seules sources d’expansion «horizontale» est celle des projets de land reclamation, littéralement «récupération du terrain», qui désignent à Hong Kong les initiatives de remblayage. Partout sur les bords de mer, la ville essaie de s’étendre en construisant sur l’eau, des projets controversés car désastreux pour l’écologie et la biodiversité, mais qui répondent à une demande accrue d’augmentation de superficie. Ainsi, l’aéroport international de Hong Kong, mais aussi de nombreux quartiers cotés comme Causeway Bay ou Central, sont construits sur des remblais.
Espace intime
Au-delà des conséquences purement structurelles, le manque d’espace habitable donne naissance à un sentiment de proximité entre les habitants de la ville. Les espaces privés sont tellement limités que les lieux publics deviennent une sorte d’extension du chez-soi. Les gens, conscients de la présence d’autrui, respectent ces espaces; mais l’on y ressent aussi une certaine légitimité: chacun semble pouvoir y trouver sa place et s’y sentir à l’aise. Depuis le début de mon séjour, j’ai la véritable sensation de partager mon espace intime avec les inconnus qui m’entourent !
Un ami local m’a toutefois fait prendre conscience de l’envers du décor: en contraste avec cette intimité physique, les Hongkongais tiennent à préserver une certaine intimité mentale. Les habitants de la ville verticale expriment rarement leurs pensées les plus profondes et gardent pour eux beaucoup de détails de leur vie privée. Un des exemples qui m’a le plus surprise est celui des prénoms. La plupart des Hongkongais portent un prénom chinois ainsi qu’un prénom anglais – héritage colonial britannique. Dans les contextes professionnels ou académiques, on utilise habituellement le prénom anglais; il arrive ainsi de ne pas connaître le «vrai» prénom d’un ami, même après l’avoir fréquenté pendant des années!
Hong Kong avec son paysage urbain unique au monde, ses rues animées et bondées, ses habitants dont je me sens à la fois proche et distante, reste pour moi mystérieuse. Son histoire complexe, ses diverses influences culturelles – dont je ne saisis pas toutes les nuances – m’interpellent encore et encore. J’espère en tout cas en apprendre plus et t’en partager davantage dans une prochaine correspondance.
Emi Randin, jeune rédactrice de L’Omnibus, est partie étudier à Tokyo, Séoul et Hong Kong pendant l’année académique 2024-2025. Durant son séjour, elle nous offre de petits aperçus de la culture est-asiatique.






